Jeudi 23 septembre, "Du métier à l'Oeuvre".



"Du métier à l'Oeuvre", est le titre de ce très beau livre sur Robert Doisneau.

Ne vous laissez pas rebuter par la couverture un peu austère de ce livre, on y découvre un Doisneau loin des clichés qui lui collent à la peau. 
Une centaine de photos accompagnées de textes passionnants d'historiens de l'art, avec comme question de fond la difficulté de concilier travail de commande et création artistique. Comment réussir a dépasser le seul savoir faire, traverser la ligne très mince qui sépare les artistes des bons professionnels mais qui reste impénétrable pour bon nombre. 

Doisneau s'est toujours considéré comme un artisan, cette humilité lui a sans doute permis de ne pas perdre le fil de ses envies et de continuer à tracer son sillon jour après jour. Son ami Blaise Cendrars, qui a réalisé les textes et la mise en page de son livre "la banlieue de Paris", parle de lui en ces termes.

"...il se présente armé d'un appareil photo est que fait-il? Il tape dans le tas. Il n'est pas artiste. Il n'a pas d'idées générales, une esthétique, une mystique. C'est un artisan de son pays."

Robert Doisneau a appris le métier dans divers studio. Il a travaillé pour Renault comme photographe industriel durant 5 ans et a même été salarié du magazine Vogue. Il réalise de nombreux sujets d'illustration dans des domaines très différents pour l'agence Rapho. Il n'en oublie ses travaux personnels, ne se rendant pas quelquefois a un rendez ou en volant un peu de temps à ses employeurs.

Le directeur de l'époque chez Rapho lui dit un jour : "Oui tu as raison, il faut faire des choses comme ça si tu en as envie, mais en ce moment il y a des fleurs au Carrousel..."

Contre toutes critiques, il construit petit à petit son oeuvre, peut être sans même le savoir. Le photographe Eugène Atget qu'il apprécie tout particulièrement, ne produisait que des "documents pour artistes". Ce qui ne se vend pas ou n'intéresse personne est le coeur de son travail, jour près jour.
Cette contradiction entre la photo de commande et la photo dite "artistique" n'en a jamais été vraiment une pour lui. Toutes les deux font partie du même chemin, les deux facettes d'une même pièce. 

Contrairement a beaucoup de photographes, Doisneau ne s'est jamais senti chasseur. Il se voit, non sans humour comme le lapin.
La photo s'impose à lui, les éléments se mettent en place naturellement dans le cadre jusqu'à atteindre leurs propres harmonies. 
Il n'est donc pas question de "savoir regarder mais de recevoir la vision qui vient, pour la restituer dans toute sa fraîcheur, car l'appareil photographique n'est jamais qu'une projection du photographe : derrière l'appareil, c'est lui qui est impressionné".

On demanda un jour à Matisse: "Quelle est la période de votre vie la plus agréable?
"La purée, celle où je ne vendais pas mes tableaux, où j'étais le seul à les aimer, sauf quelques uns mes amis, alors là j'aimais mes tableaux comme une mère aime ses enfants malheureux...et puis ils n'avaient pas d'importance, au fond, parce que c'était un jalon sur ma route et que c'était un peu comme un écrivain considère ses brouillons."
Doisneau aurait pu tenir ses propos, tant ses instantanés Parisiens ont marqué son oeuvre et façonné son image. Une fois reconnu, il faut encore se battre pour retrouver sa liberté et ne pas se répéter infiniment. Comment ne pas faire du Doisneau après "le baiser de l'hôtel de ville"?


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